LA VERTICALE


La « verticale », une technique dont on parle beaucoup en France depuis quelques années, laisse pas mal de pêcheurs perplexes. En quoi consiste-t-elle exactement ? Est-elle réellement aussi efficace qu’on le dit ? N’est-elle pas finalement une pâle copie de la dandine connue depuis longtemps ? Comment la pratique-t-on, avec quel matériel et dans quelles conditions ? Nous avons voulu en avoir le cœur net et vous proposons de faire un tour d’horizon le plus complet possible de cette technique à part entière, en faisant une synthèse des nombreux articles parus ces dernières années dans la presse halieutique, mais aussi avec l’aide de quelques uns des meilleurs « verticaliers » français que nous avons interviewés pour vous et que nous tenons à remercier pour leurs conseils : Jackie FARRONA qui s’est formé à cette technique en Hollande bien avant qu’elle ne soit connue chez nous et qui a créé la société AMS Fishing pour distribuer des produits spécialisés verticale ; Jacques ROSEN qui a appris cette technique avec Jackie lors de plusieurs séjours aux Pays Bas et qu’il a pratiqué aux quatre coins du monde ; et Michel TARRAGNAT, journaliste halieutique qui a suivi de près le développement de cette technique et qu’il pratique sur les lacs de barrage du Cantal (1).

 

Nos spécialistes

Carnavenir : Comment as-tu connu la verticale ? Peux-tu nous parler de ton expérience dans ce domaine ?

Jackie FARRONA : J’ai découvert la technique il y a une quinzaine d’années. J’avais rencontré deux guides grâce à une annonce sur le magazine de la « Pêche et les Poissons ». A l’époque, ils pêchaient le sandre, exclusivement, à la tirette et au vif. Je leur ai appris le mort-manié et, en échange, ils m’ont appris la verticale. Par la suite, j’ai multiplié des week-ends et semaines entières passés sur les eaux hollandaises. Cette période m’a permis d’acquérir une expérience à travers différentes sorties mais également lors des concours organisés sur place. La compétition est une bonne école lorsque l’on veut progresser dans une technique.

Jacques ROSEN : J’ai entendu parler de la verticale à la suite du concours de Carcans, en juin 2002. Peu de temps après, j’ai fait la connaissance de Jackie FARRONA à l’occasion d’un voyage en Egypte. Il m’a proposé de m’y essayer, et nous nous sommes rendus en Hollande.
J’ai d’abord été stupéfait par l’importance et la qualité des équipements des hollandais ! ( faut voir la sophistication des bateaux, moteurs, échosondeurs, etc. ) J’ai immédiatement pensé que de tels investissements ne pouvaient que concerner une technique majeure… puis j’ai été conquis par la technique. Je dois préciser que lors de cette première prise de contact, mes compagnons ont touché 5 fois plus de poissons que moi… J’ai donc voulu comprendre, et je suis retourné aux Pays-Bas à 5 ou 6 reprises. Par la suite, j’ai pratiqué en France bien sûr, mais aussi en Espagne et en Afrique. J’ai constaté son efficacité partout.

Michel TARRAGNAT : Par des articles de presse, puis grâce à jacques ROSEN qui m’a fait une démo, et Vinh FRESSANGE qui m’a vraiment fait comprendre la technique. La verticale est une technique qui n’est pas facile à appréhender tout seul, notamment parce que, par crainte de l’assimilation à la traîne, la plupart des articles écrits sur le sujet ont occulté le fait que c’est le déplacement du bateau qui fait que ça pêche. Sans ce point essentiel la verticale est incompréhensible.

 

 

LA VERTICALE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Tous les « verticaliers » sont clairs sur ce point : la verticale n’a rien à voir avec la dandine. Bien sur, il y a des points de similitude, mais comme le dit Michel Tarragnat « l’action de pêche et la philosophie sont très différentes. Il y a à peu près autant de rapports entre la Verticale et la dandinette qu’entre le mort manié et la pêche au vif… ». Et Michel n’hésite pas à qualifier cette technique de « révolutionnaire ».

Alors essayons de comprendre ce qui fait la spécificité de la verticale. Pour Michel, « c’est tout simplement une animation, une façon de conduire sa ligne et de présenter son leurre en le soutenant, comme en apesanteur, qui n’est possible qu’à l’aplomb de la barque, et qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissions jusqu’à présent ».

Animation, ou ne devrait-on pas dire plutôt « non animation » ? Car l’un des secrets semble là : à la verticale il vaut mieux animer moins que trop. Le leurre est conduit au ras du fond, bout du scion au ras de l’eau, canne confortablement tenue en main et reposant sur la cuisse ou bloquée sous l’aisselle, gestes réduits à leur plus simple expression, concentration maximale pour percevoir, ou même deviner, la plus petite touche du bout des lèvres. Le leurre est ainsi simplement soutenu, avec quelques posers légers, quelques relevers lents.

Ecoutons encore Michel nous expliquer cette animation mystérieuse : « on imagine que le leurre est une flûte en cristal, et que le fond est en béton armé. Le but est de garder la flûte suspendue à proximité immédiate du fond, ce qui oblige à reprendre contact de temps à autre, sans jamais la casser ».

 

Technique horriblement statique et ennuyeuse direz-vous ? Et bien non, car si effectivement on est loin du « power fishing », la verticale est une technique passionnante et qui permet malgré tout de couvrir du terrain. Pourquoi cela ? Et bien simplement parce qu’elle se pratique en bateau, en contrôlant sa dérive à l’aide du moteur électrique, et en observant les fonds grâce à l’échosondeur. Ces deux outils sont d’ailleurs sans aucun doute l’autre secret de la verticale. Pour pêcher des poissons à vue ? Pas spécialement, mais plutôt pour repérer les cassures et autres obstacles, les longer, les explorer, les fouiller.

 

L’avis des spécialistes

Carnavenir : Comment définirais-tu la verticale en quelques mots ? Quel en est selon toi le principe essentiel qui le différencie des autres techniques ?

Jackie FARRONA : La verticale est une technique à part entière, elle est accessible à tous ceux qui pêchent en barque ou en bateau. Simple et efficace, elle permet une prospection beaucoup plus importante que toutes les autres techniques avec des animations plus ou moins lentes qui permettent de toucher des poissons peu mordeurs. C’est, à mon avis, le principe essentiel qui la différencie des autres techniques.

Jacques ROSEN : La verticale est une technique très simple, à la portée de tous. D’ailleurs, il n’est même pas besoin de savoir lancer ! On laisse descendre le leurre à l’aplomb du bateau, jusqu’aux parages du fond et on le soutient de la pointe du scion, tous sens en éveil... La finesse du matériel est unique et le plaisir à le mettre en œuvre sans égal. Elle est incomparable, car elle parvient à faire mordre des poissons peu actifs presque apathiques. Pêche sportive, son action longuement insistante et peu "traumatisante" est inconnue dans d’autres pratiques.

Michel TARRAGNAT : La verticale est en fait la maîtrise absolue de la présentation d’un leurre : sa hauteur par rapport au fond, sa trajectoire, son allure, tout peut être contrôlé en permanence au cm près, ce qui est impossible avec toute autre technique.
Par extension et grâce au sondeur, c’est aussi la connaissance de ce qui se passe au fond : anatomie des postes, bien sûr (aucune autre technique ne permet de s’en faire une image aussi précise), mais également connaissance des comportement des sandres. La verticale nous en apprend beaucoup à cet égard.
Enfin c’est une technique qui permet d’insister longuement sur un poste, tout en animant très peu voir pas du tout (contrairement à la dandine où l’animation est assez vigoureuse). C’est ce minimalisme des mouvements qui très souvent fait la supériorité de cette technique sur des poissons inactifs. Il faut toutefois rester conscient que la verticale n’est pas toujours la méthode la mieux adaptée à l’humeur des poissons C’est a priori plutôt une technique d’automne-hiver, quand le poisson est au fond. Sur du poisson décollé ou agressif, il y a des méthodes plus efficaces.

 

Carnavenir : Comment peux-tu décrire l’animation du leurre ?

Jackie FARRONA : Elle doit être soft, très coulée. Imaginez un petit poisson en difficulté que l’on voudrait aider à survivre. Il est donc très important de comprendre ce qui se passe au fond de l’eau ; telle une baguette de chef d’orchestre, votre canne doit décoller l’ensemble de quelques centimètres et laisser redescendre, en accompagnant, avant de reprendre contact avec le fond. Attention, c’est dans cette deuxième phase que la concentration doit être au maximum car la touche se produit généralement à ce moment précis.

Jacques ROSEN : Ce qu’il faut comprendre, c’est que dans 80% des cas le leurre n’a pas besoin d’être animé mais simplement guidé près du fond, à la suite du bateau en dérive. Le reste du temps, on l’élève de quelques centimètres et on le maintient un temps suspendu, puis on le repose avec délicatesse avant de recommencer.

Michel TARRAGNAT : Elle est très variable : parfois on se contente de soutenir le leurre à hauteur constante au dessus du fond, et le déplacement du bateau suffit à le rendre attractif. Le plus souvent, on l’anime de tirées suivies de « tenues », parfois il faut des tirées plus amples, ou poser le leurre sur le fond pour avoir une attaque. En fait il n’existe pas d’animation type, le but est de trouver ce qui va faire réagir les sandres, puis de reproduire la séquence.

 

 

L’EFFICACITE DE LA VERTICALE

On sait bien qu’à chaque sortie d’un nouveau produit ou d’une nouvelle technique, fabricants, distributeurs et autres professionnels du petit monde de la pêche ont beau jeu d’en louer les avantages pour nous convaincre de leur efficacité. Il est nécessaire pour le pêcheur de garder la tête froide, de tester en toute objectivité, d’écouter les témoignages, et finalement de se faire sa propre idée. Qu’en est-il pour la verticale : opération commerciale ou réelle efficacité ?

Au moins deux compétitions ont été remportées haut la main à la verticale : la « coupe du monde » (sic) à Hourtin en 2002 et une rencontre du Challenge Interdépartemental à Enchanet en 2004. Dans le 1er cas, les équipes hollandaises ont survolé la compétition en prenant les 4 premières places du concours, avec en tête Dietmar Isaiach et son épouse Carmen Klein, Dietmar étant considéré comme « le père de la verticale ». Bien sur, ils étaient équipés d’échosondeurs haut de gamme et ont découvert une résurgence au milieu du lac qu’ils ont exploitée à fond, mais cela explique-t-il tout le succès ? La victoire à Enchanet de Vinh Fressange et Stéphane Reyt a montré qu’il n’en était rien et que le succès de cette technique n’était pas due au hasard.


En dehors de la compétition, les témoignages sont nombreux. Michel Tarragnat raconte l’exemple d’une partie de pêche où Vinh Fressange et Stéphane Reyt ont sorti 18 sandres de 2 à 3 kg au milieu d’une dizaine de barques qui n’ont pas pris un seul poisson de la journée.

Pour Jackie Farrona, il n’y a pas de doute : « la verticale est une technique terriblement efficace et je ne doute pas un instant de son impact sur les pêcheurs de carnassiers d’ici peu. Sachez que près de 90% des pêcheurs du Benelux utilise la technique depuis des années, et quand on voit les résultats, on ne peut pas douter ! ».


A quoi est due l’efficacité de la verticale ? Bien sur la verticale permet de prendre des poissons actifs, au même titre que d’autres techniques, mais ce qui semble faire sa spécificité, c’est qu’elle permet aussi, et peut-être surtout, de faire mordre des poissons au repos, et parfois dans des quantités impressionnantes alors que les autres techniques ne donnent rien. Elle est donc particulièrement destinée aux périodes « sans », à l’hiver, aux fronts froids, bref à tous les moments où les poissons sont collés sur le fond sans bouger, bien qu’elle puisse être utilisée toute l’année avec succès.

La verticale est bien entendue une technique de prédilection pour le sandre, notamment en lac de barrage. Mais il ne faudrait pas croire qu’elle se limite à cela. Elle est tout aussi efficace sur d’autres carnassiers comme la perche ou le brochet, et peut se pratiquer dans quelques mètres d’eau.

L’avis des spécialistes

Carnavenir : Peux-tu donner une anecdote sur l’efficacité de la verticale ?

Jackie FARRONA : Il en existe beaucoup mais la plus anecdotique en France, est, sans aucun doute, la démonstration lors du championnat à Carcans, en juin 2002. Lors de la dernière manche, à trois équipages pêchant uniquement en verticale, nous avons comptabilisé 54 poissons en 3 heures alors que les autres compétiteurs, ont eu, en revanche, que très peu de résultat avec les techniques traditionnelles. C’est d’ailleurs, lors de cette manifestation, que la verticale a vu le jour pour la première fois, en France.

Jacques ROSEN : Ce jour là, Jackie Farrona est en Verticale, moi au manié. Le matin, je touche 9 sandres, Jackie rien. L’après-midi, Jackie prends 12 poissons, moi 2… Il ressort que si la verticale n’est pas toujours la plus efficace, il est bon d’en connaître les rudiments pour l’employer en alternance avec d’autres techniques.

Michel TARRAGNAT : L’anecdote la plus classique, et qui se produit très régulièrement, consiste à prendre poisson sur poisson en verticale, tandis que les pêcheurs à d’autres techniques ne prennent rien du tout. Des scores du genre 10 ou 15 poissons à zéro ne sont alors pas exceptionnels.
Il faut noter également que l’on retrouve à peu près les même écarts de rendements entre un verticalier confirmé et un verticalier débutant, ce qui prouve qu’il y a bien une maîtrise gestuelle qui importe beaucoup, même si cela ne saute pas immédiatement aux yeux.


Carnavenir : Selon toi à quoi est- due cette efficacité ?

Jackie FARRONA : La présentation : La verticale offre de multiples possibilités de présentation du leurre pour décider les carnassiers à mordre. C’est aussi lié à l’effet de surprise, sur des poissons apathiques, qui se tiennent, bien souvent sur leur zone de repos. Un shad bien présenté, près du fond, saura déclencher l’attaque ou le réflexe des prédateurs. C’est toute la subtilité de la technique : arriver à décider les carnassiers qui n’étaient pas déterminés à s’alimenter.

Jacques ROSEN : On ne peut être péremptoire, trop de paramètres nous échappent. Bien sûr, on pourrait se faire plaisir, affirmer haut et fort que c’est une question de luminosité ou de température d’eau ; certifier que le bout de plastique énerve le poisson. Mais… à la vérité personne n’en sait fichtre rien !

Michel TARRAGNAT : Voir ma réponse à la question 2.

 

 

LE MATERIEL

 

CANNE

La canne spécifique doit absolument comporter les caractéristiques suivantes : elle doit être courte (moins de 2,10 m), légère (une centaine de grammes), avec un centre de gravité parfaitement équilibré et proche du porte moulinet, et à action de pointe très sensible pour ressentir le moindre gratouillis.

MOULINET

Le moulinet doit avant tout être très léger (200 à 250 g), il doit pouvoir contenir 100 à 150 g de nylon ou de tresse fine. Des modèles à tambour fixe (spinning) de taille 1500 à 2500 conviennent parfaitement. Le frein doit être de bonne qualité et progressif.

TRESSE OU NYLON ?

La tresse est largement préférée pour son absence d’élasticité qui permet de retransmettre les plus petites touches ou de ressentir le contact avec le fond. Cette tresse doit être fine, généralement entre 5 et 12 centièmes. Un coloris fluo n’est d’aucune utilité en verticale, et on choisira donc plutôt une couleur neutre.

 

LEURRES

Les leurres unanimement plébiscités pour la verticale sont les shads, notamment des modèles de 10 à 15 cm (la taille peut toutefois descendre jusqu’à 7 cm environ et monter jusqu’à 20 cm, mais globalement les verticaliers n’hésitent pas à utiliser des tailles importantes). Selon l’humeur des poissons, il peut s’agir de shads à grosse caudale générant de fortes vibrations, ou de modèles à queue fine ou en V de type « Fin’S » plus discrets et subtils pour des poissons boudeurs.

La matière est importante. Elle doit être assez souple, tendre, même moelleuse pour favoriser la prise en bouche par le carnassier. Des attractants intégrés (sel, anis…) peuvent être un plus pour que le poisson garde le leurre plus longtemps sans le recracher. La partie principale du leurre peut être épaisse voire un peu rigide, en revanche il est essentiel que la queue soit bien souple pour vibrer au moindre filet d’eau. Il faut en effet se souvenir que l’animation est minimaliste, et que le leurre doit donc vibrer tout seul au gré du courant et de la dérive.

Les coloris ont aussi leur importance et il ne faut pas hésiter à en changer souvent si les résultats se font attendre. Comme souvent, les coloris translucides ou naturels peuvent être privilégiés en eau claire, et les coloris sombres ou fluo en eau teintée, mais c’est parfois l’inverse qui peut marcher. Les modèles pailletés sont aussi intéressants par les reflets et scintillements qu’ils créent. Pour pouvoir faire face à des conditions différentes, vous avez donc tout intérêt à disposer d’une bonne collection de leurres souples de taille, d’action et de coloris différents.

 

L’avis des spécialistes

Carnavenir : Tes modèles de leurres préférés ? Tes coloris préférés ?

Jackie FARRONA : Il existe une grande variété de leurres souples. Pour ma part, j’utilise, de préférence, des modèles pisciformes que l’on surnomme « SHAD » à gomme très tendre. Elle permet de maintenir en gueule, plus longtemps, et d’accentuer les vibrations des flaps caudales à bas régime. D’autres modèles, très intéressants, sont lanciformes (forme de lançon) et vermiformes (forme de ver).
Voici ce que j’utilise régulièrement pour le sandre :
Shad 3’’, 4’’, 5’’, 6’’
Finesses 6’’ et 8”
JFS 8’’
TO 4’’ et 5’’
Slug 6’’ et 10’’
Cet éventail me permet de pêcher dans toutes les eaux en général : rivières, fleuves, eaux closes …
Mes coloris préférés sont, sans hésitation, les couleurs Fire Tiger vert-orange et vert pailleté queue rouge. Ils se démarquent souvent des autres teintes mais, évidemment, comme ce sont les plus utilisés, il est très difficile de faire un comparatif. Néanmoins, les couleurs fluos sont à utiliser dans les eaux teintées ; le marron, violet et noir, dans les eaux profondes et les couleurs pailletées, rose, bleu, blanc, jaune, dans les eaux claires. Attention, tout de même à ne pas généraliser, certains jours, l’inverse peut se produire sans savoir réellement pour quelle raison.

Jacques ROSEN : Shads, finess, slug.
Jaune et vert ( fire tiger) et rose, par eau teintée.
Naturel (coloris poisson), par eau claire
Blanc et bleu et vert chartreuse, en mer.

Michel TARRAGNAT : Les shads AMS 4 et 5 pouces, les Big Hammer 4 pouces, les Grub Mister twister (gros modèle), les Spitfire Shad (Sanger).
Tout ce qui est chartreuse/fluo en priorité. Le blanc nacré, le marron pailleté.

 


 

TÊTES PLOMBEES

Les leurres sont enfilés sur une tête plombée, généralement de forme sabot sans toutefois que ce soit une règle absolue, la tête plombée ronde ayant ses inconditionnels. Le leurre peut être solidarisé sur la tête plombée grâce à une pointe de colle. Généralement la plombée est assez lourde et comprise entre 10 et 30 g mais il est essentiel de choisir le poids de la plombée en fonction de la profondeur, du courant, du vent, pour que le leurre reste bien à l’aplomb de la barque tout en permettant à un poisson apathique de l’aspirer sans ressentir le piège.

Il faut malgré tout pêcher le plus léger possible en fonction de ce que les conditions (profondeur, vent, courant) permettent. C’est donc une subtile alchimie qu’il faut trouver, souvent en tâtonnant au début.

Un petit hameçon triple voleur n°10 ou 12 est positionné à l’arrière du leurre grâce à une empile (ou stinger), soit au-dessus soit en dessous, un élément essentiel pour ne pas rater des touches tatillonnes de sandres qui viennent souvent seulement titiller le leurre par l’arrière. Ce triple doit être placé le plus en arrière du leurre, sans toutefois entraver la mobilité de l’appendice caudal. Il peut être piqué dans le leurre, ou laissé libre. L’empile peut traverser le leurre de part en part au moyen d’une aiguille à locher, mais elle peut aussi épouser le corps du leurre à l’extérieur.

 

L’avis des spécialistes

Carnavenir : Un conseil sur les têtes plombées (modèle, grammage, etc) ?

Jackie FARRONA : Sans hésitation, le plomb sabot ! Il permet de présenter votre montage horizontalement et parallèle au fond. Contrairement, à ce que l’on pourrait croire, le shad ne reste pas avec la caudale en haut. Lors du contact avec le fond, il se positionne horizontalement et ne tombe jamais sur le côté gauche ni sur le côté droit. Exemple : si l’on passe une petite tige rigide dans l’anneau de tête du plomb sabot, on s’aperçoit qu’il bascule et prend sa position finale ; c’est ce qu’on appelle l’équilibre horizontal. Pour le grammage, c’est très simple, je m’explique : en règle générale, je pêche en eaux closes avec des plombs sabots de 14 gr jusqu’environ 14 mètres. Pour un débutant, il suffit de diviser la plombée par deux, ce qui donne la hauteur d’eau maximum pour bien pêcher.
Exemple : 14 gr : 2 = 7 m
18 gr : 2 = 9 m
21 gr : 2 = 10.5 m
28 gr : 2 = 14 m
Bien évidemment, il faut savoir tenir compte du courant, du vent, etc… et s’adapter en fonction de tous ces critères.

Jacques ROSEN : La forme ( sabot, rond, oblong, etc.) m’importe peu, de même que la couleur… En revanche le poids est capital. 18 g convient dans bien des situations. On peut se référer à la règle suivante : multiplier par 2 la profondeur pêchée. Par exemple 7 m = 14 g.

Michel TARRAGNAT : Plomb sabot « maison » avec hameçon VMC Barbarian 3/0, et triple VMC 9240 n° 6 ou 4. le grammage dépend de la profondeur donc de la saison : 21 et 28 g en hiver (15-20 m), 14 ou 21 g, parfois 10 g au printemps. Selon moi il n’y a pas d’intérêt à pêcher léger en verticale, ou plus exactement la pêche légère peut être très efficace mais ce n’est plus de la verticale.

 


 

EQUIPEMENT BATEAU

La verticale se conçoit difficilement sans bateau. Celui-ci est généralement équipé de sièges afin de pêcher de longues heures sans fatigue, mais ce n’est pas une obligation, un banc fait l’affaire. Contrairement à certaines idées reçues, il est toutefois inutile de posséder un bateau haut de gamme, une simple barque adaptée au plan d’eau ou à la rivière visés suffit, à condition qu’elle soit équipée de deux éléments essentiels : un moteur électrique et un échosondeur.

Le moteur électrique permet de contrôler la dérive lorsque cela est rendu nécessaire par le vent ou le courant. Un modèle à variateur électronique est préférable. La précision de la dérive est pour certains spécialistes l’élément de réussite essentiel pour la verticale. Selon Dietmar Isaiasch, elle doit consister en « des déplacements lents, réguliers et maîtrisés » et il précise même : « j’insiste sur la navigation car à n’en point douter, la question de l’embarcation et de sa propulsion, de sa maîtrise surtout par le pêcheur, est la donnée la plus décisive dans la pêche à la verticale, bien plus que le leurre et même que son animation ».

 

L’échosondeur permet de connaître la profondeur, mais surtout d’identifier le fond, sa nature et sa topographie. Il permet ainsi par exemple de suivre une cassure.

 

POUR CONCLURE

L’avis des spécialistes

Carnavenir : Quelques conseils pour ceux qui voudraient débuter ?

Jackie FARRONA : Patience, persévérance, sans oublier confiance et concentration. Ces quatre facteurs sont les plus importants lorsque l’on souhaite débuter en verticale.
Comme dans toutes les techniques, la patience est primordiale. La persévérance est de rigueur et la confiance, souvent liée, à l’aboutissement de la technique.
La concentration, quant à elle, permet de pousser les barrières de l’inconnu « l’autre monde » que l’on voudrait, sans cesse, découvrir avec une imagination qui nous emporte vers ces profondeurs et cette technique innovante et performante qu’est la « verticale ».

Jacques ROSEN : Y croire tout simplement, et persévérer jusqu’au succès. Trouver le bon timing, acquérir son propre tour de main. Et surtout ne plus rien changer !

Michel TARRAGNAT : De se faire initier par un pêcheur ou un guide de pêche qui connaît la technique, car seul il est très difficile de « découvrir » la verticale, surtout si l’on n’a pas derrière soi un « bagage » suffisant de pêche en eau profonde. La verticale est en effet la technique la plus complète (et donc la plus exigeante) pour le sandre, en ce qu’elle suppose une bonne maîtrise de plusieurs disciplines « complémentaires » à l’action de pêche proprement dite : maîtrise du sondeur, maîtrise d’une embarcation, notamment en condition difficile (vent latéral, etc.)
Les éléments les plus importants pour réussir dans cette technique sont le bateau, le moteur électrique, le sondeur, la connaissance des tenues du sandre, un bon sens de l’orientation. On focalise souvent sur la canne et les leurres souples, qui sont pourtant les éléments les moins importants.

 

 

Un témoignage

Vous doutez encore ? En plus de l’avis de nos spécialistes, nous avons voulu pour finir vous faire partager l’expérience vécue par notre Délégué Régional Savoie / Haute Savoie, Vincent BAROZIER, car elle est édifiante. Ecoutons le :

« Je n’ai qu’une piètre expérience de la pêche du sandre, donc loin de moi l’idée de révéler de quelconques secrets de la pêche Verticale… néanmoins s’il y a bien une pierre que je peux ajouter a l’édifice, c’est un témoignage… plutôt deux même. En effet, comme tout pécheur de carnassier, j’ai été interpellé par cette pêche dite Verticale et ai donc naturellement voulu m’y confronter…

Me voila donc parti dans un premier temps pour un meeting amical… canne, shads et têtes plombées en coffre, au lac de Pareloup, au mois de juin 2005…

Le profil du lac est un vrai paradis pour se dégourdir les cannes en power fishing, ce sera la technique des premiers jours, avec une absence de succès quasi-totale pour les quelques dix équipages…

La Verticale s’est alors imposée comme palliatif, bien qu’aucun de nous n’en ai une grande expérience… passé son aspect soporifique pour un débutant n’en ayant pas encore saisi la réelle valeur hypnotique, il faut bien admettre que, bien que piètrement pratiquée et avec une embarcation inadaptée, les résultats se sont de suite montrés meilleurs avec pour ce premier essai, deux prises a mon compteur :

Malheureusement l’euphorie s’arrête la, le poisson est devenu encore plus méfiant le lendemain… jour d’arrivée d’un initié… Michel Baudinot !

L’homme a déjà derrière lui une grande expérience de la pêche du sandre, priant assidûment Saint Drachkovitch, ne jurant que par le manié, les moulinets Crack, et ses chers vifs frétillants dans leur vivier… quel ne fut pas notre surprise de le voir implorer Saint Bertus !!! Que s’était il passé ? Oh… une simple raclée prise en Verticale par un journaliste halieutique bien connu (Michel Tarragnat…), qui lui-même en avait pris une plus sévère encore par Vinh Fressange…

Inquiets de ces propos incohérents tenus par cet homme, d’un certain age il est vrai (on se venge comme on peu…), voila partis les plus intéressés pour constater la chose « in situ » dans la baie de Salles Curan, selon des informations glanées par notre « guide »…

Cinq embarcations à l’eau. Du lourd dont plusieurs membres de l’association tel Olivier Couderc « monsieur 1000 silures » et sans doute autant de sandres avec son complice Olivier Guerin, Jean Smodila également membre et bidasse rompu a toutes les pêches de ses différentes campagnes, des jeunes prometteurs, et autres vieux de la vieille à qui on ne la fait pas comme Georges Scopsi ou Christian Dupont eux aussi membres de Carnavenir et pas nés de la dernière pluie… le tout sur des bateaux dûment équipés et avec à peu près le même matériel, et exactement les même leurres…

C’est alors que Michel entreprit une véritable danse avec les sandres… une main sur la canne, une autre sur le moteur electrique, un œil sur le sondeur le voila déambulant entre nos embarcations, affichant une extrême concentration…

Je le répète, tous pensions pêcher de la même façon pourtant… seul l’initié, maniant sa canne tel un chef d’orchestre sur une « valse hésitation », semblait savoir précisément ce qu’il était en train de faire...

…alors qu’il faut bien l’admettre, en l’absence totale de touche, nous étions de plus en plus perplexes… absence totale ? Pas pour tout le monde…

Une touche, deux touches… la chorégraphie s’affine, des parenthèses, des ronds… des tirées… un sandre, deux sandres, retouches, un marquage au flotteur du poste, sandre au deuxième passage, dans 8m, dans 6m, dans 4.5m… partout ! Mais il n’y en avait que pour lui, que nous soyons passés avant ou après sur les mêmes postes ne semblait faire aucune différence !!!

Comble de l’humiliation, je constaterais qu’il avait la même canne, le même diamètre de tresse, le même leurre, et la même tête plombée que moi !!!
Au total sept touches a zéro et quatre sandres qui seront relâchés sous notre nez !
Olivier Couderc, lui aussi rompu à la gratouille, obtint tout de même un poisson salvateur alors que je me ridiculisais avec une brème d’environ deux kilos…

Pour toute explication, outre le fait qu’il ait été « initié », notre professeur nous révélera que ce que nous prenions pour des déambulations étaient en fait un suivi rigoureux du fond, et un ratissage méticuleux de la zone… ces mouvements erratiques du scion cherchait en fait la mélodie qui donnerait envie aux sandres de « danser »… sa concentration sans faille lui rappelait sans cesse : « FERRAGE » ! Le maître mot étant : « CONVICTION », au point d’en rêver la nuit !

Enfin, il avoua avec un certain humour et sans aucune vanité, s’être senti transcendé par un tel succès, par cette forme de supériorité, le plaçant d’autant plus au dessus de nous tous… de plus, et a notre grande surprise, la Verticale lui rappelait l’avènement du manié en terme de réussite…
Quoi qu’il en soit, la démonstration était faite, la verticale, si elle ne s’adresse déjà pas à des pêcheurs débutants, demande en plus une certaine pratique pour être efficace… mais qu’elle efficacité !


…Les Ecritures nous enseignent que lorsque l’on prend une telle baffe, il faut tendre l’autre joue… que l’histoire est un éternel recommencement…

C’est donc joue tendue que je débarque fleur au scion dans une gare parisienne pour honorer une invitation de longue date ayant pour but de me faire tâter du moustachu francilien… ce n’est donc pas au bois de Boulogne mais bien en banlieue parisienne que j’ai rendez vous pour deux jours de pêche au silure et sandre en seine avec deux doux dingues amoureux des « grosses limasses vertes » Olivier Couderc et Olivier Guerin, et Jean Paul Cérou, plus expérimenté que moi, qui tirera sont épingle du jeu au manié…
Nos hôtes ne sont pas des débutants… leurs prises se comptent par centaines, et de plus ils confrontent en cette période manié et verticale… eux aussi avaient pris la baffe a Pareloup et ne voulaient pas en rester la… seulement eux, les sandres, ça les connait !

Mon manque d’expérience de la gratouille me prendra d’entrée en défaut, puisqu’il ne s’agira que de cela durant tout le week end, que ce soit au manié, ou en verticale…
Deux équipages, dont Olivier Guerin et moi-même sur un petit zodiac, rendant la cohabitation des plus intime…

La baffe vint cette fois de quelques centimètres sur ma gauche… nous étions tous deux assis sur le même côté du bateau, nos scions sont à peine espacés d’un mètre, une fois de plus les leurres sont les mêmes… le reste, sensiblement égal…

Ne pas avoir de touches est une chose… mais voir violemment plonger un scion a plusieurs reprises à un mètre de soi est une expérience que je ne souhaite à aucun pêcheur !!! Et quand je dis plonger, Olivier se plaindra d’une foulure au poignet sur une touche de folie laissant sur son shad des traces profondes de mâchoires… aucun doute sur la taille et l’espèce de l’agresseur !

Comment dire… comment distinguer ce qu’il faisait de ce que je ne faisais pas… peut être serait-ce ce que je faisais qu’il ne faisait pas… toujours est il qu’à mon sens nos scions n’avaient pas de mouvement distinct… et pour cause ! Je cherchais a les copier rigoureusement !… Toujours est il que c’est invariablement le même scion qui plongeait, et ce à 10 reprises pour tour a tour un petit silure et quelques sandres…

Enfin ce n’est pas tout à fait exact… mon scion a bel et bien plongé au bout de 5mn lorsque j’ai prêté ma canne a mon tortionnaire mettant au sec un petit sandre !!!

Malgré toute leur bonne volonté ils ne parviendront pas à me faire prendre le moindre sandre… je ne repartirai de ce week end qu’avec un perchos et un silure pris au manié… et de longues nuits d’insomnies méditatives en perspective dont je retirerai une chose, outre nos différences d’expérience et de niveau : LA CONVICTION ! Comme pour toute pêche, il faut y croire, mais pour la verticale plus que toute autre pêche !

S’il est permis de faire illusion avec une expérience minimum dans des conditions favorables, seul le pêcheur expérimenté, assidu, et dûment entraîné tirera le meilleur parti de la Verticale.

« La concentration est une composante essentielle de la réussite à la Verticale, plus que dans toute autre technique. En effet, dès qu'on perd la concentration en Verticale, on ne pêche plus... On peut avoir l'impression de continuer à pêcher mais si on n'y est plus mentalement, c'est mort. Si on n'a pas l'esprit entièrement tourné vers son leurre, si on n'est pas "relié" mentalement à son shad, il ne pêche plus. Il faut se "décorporer" pour aller habiter 5 ou 6 mètres plus bas, dans le morceau de plastique. Et tout ça, pour donner vie à l'objet de toute notre attention, le faire fouiner entre les cailloux, le faire gratouiller, le faire frétiller, planer, s'effrayer de ce gros sandre qui a fait semblant de ne pas le voir.... » (Olivier Guérin…)

Pour ma part, ces expériences m’ont permis de mieux appréhender « la gratte », de commencer à la travailler efficacement, mais le chemin sera encore long pour connaître un succès régulier en Verticale, qui de toute façon, selon Michel Baudinot, recèle encore bien des secrets…

Merci à toutes les personnes citées pour leur contribution à ce témoignage…

Vincent »

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Article sur le site de Michel TARRAGNAT carnassiers.com : http://www.carnassiers.com/sommaire/techniques/Leurre-souple/verticale/verticale.html

Article de nos amis belges du Zander Fishing Team : http://www.zanderfishingteam.be/

Article de Laurent LELOUP sur Pêchedescarnassiers.com : http://www.pechedescarnassiers.com/article.php3?id_article=845

Le site AMS Fishing, la société créée par Jackie FARRONA : http://www.amsfishing.com/

Livre « La pêche verticale » écrit par Jacques ROSEN aux Editions Larivière, mai 2006.

Et n'oubliez pas, pour préserver nos pêches de demain, adoptons un comportement responsable en relachant l'essentiel de nos prises !

 

(1) : Outre les interviews exclusives de Jackie FARRONA, Michel TARRAGNAT et Jacques ROSEN, nous remercions les revues « la Pêche et les Poissons », « Brochet Sandre Magazine » et « Predators » pour les quelques passages d’articles que nous avons empruntés dans les articles qu’elles ont publiés sur le sujet, ainsi que tous ceux qui ont accepté d’être cités et/ou de figurer sur les photos.