FABRIQUER SES PROPRES LEURRES SOUPLES ?
Un jeu d’enfant !

En préambule je tiens à rappeler que les produits protégés par un droit de propriété intellectuelle sont régis par le CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE.

En conséquence, je mets en garde les bricoleurs des risques de poursuites pour contrefaçon
auxquels s’exposent les personnes qui copieraient des produits de marque déposée en vue de leur commercialisation.

Fabriquer des copies à usage strictement personnel OUI, les vendre NON !

1. Le matériel

Tout commence par un moule, sans lui point de salut. En aluminium, en plâtre, en époxy ou bien en silicone RTV, on pourra le fabriquer soi-même ou bien l’acheter. Il existe différentes qualités de RTV, les moins chères sont déchirables et résistent mal à la température.

Une balance de cuisine et une éprouvette graduée permettront de préparer avec précision les ingrédients.

Pour cuire le plastileurre (mélange de PVC liquide et de plastifiant), il faut un réchaud à gaz ou électrique ou bien un micro-ondes (moins de 40 € en grandes surfaces) capable de chauffer rapidement à 180°C.
Pour bien utiliser un micro-ondes, il faut initialement réaliser un test de cuisson. Placer un pot contenant 20 cm3 de plastileurre dans le micro-ondes avec la minuterie à 1 mn. Si le plastileurre n’est pas transparent, remettez la minuterie à 30 secondes, et ainsi de suite jusqu’à ce que la transparence soit visible. Au terme du test, vous connaitrez la durée optimale de cuisson.


De gauche à droite du plastileurre, « cru », légèrement trop cuit, cramé, bien cuit (transparent).

On coulera le mélange à l’aide de casseroles à bec verseur ou, si on utilise un micro-ondes, de récipients à bec verseur en Pyrex (becher, erlenmeyers, cruchons…) capables de supporter des températures voisines de 200°C. Attention donc aux risques de brûlure en cours de manipulation. Pour couler aisément dans des moules étroits, il est nécessaire d’utiliser un bec verseur étroit qui permettra d’opérer avec précision.
Pour couler de grandes quantités, les super-bricoleurs pourront adapter une vanne au bas de la cuve en aluminium d’une friteuse et ajouter un agitateur actionné par un moteur électrique.

N’oublions pas une spatule pour « touiller » la préparation et un seau d’eau froide pour refroidir rapidement les leurres en sortie de moule.

 

2. Les ingrédients

Le plastileurre liquide est le matériau principal. Il se présente sous la forme d’un liquide laiteux qui deviendra transparent sous l’effet de la cuisson puis se solidifiera en refroidissant. Il en existe différentes sortes dont les propriétés permettent de créer des leurres plus ou moins souples. La gamme de produits va du Soft au Super Rigide en passant par le Standard.

Il existe un assouplissant spécifique (Softener) et le Super Rigide peut servir de durcisseur (Hardener) pour créer des textures intermédiaires.


Ainsi, si votre stock de Soft est épuisé, vous pourrez ajouter un peu d’assouplissant dans du Rigide pour obtenir du Standard. Pour obtenir du Soft, il faudra en ajouter davantage.

Ceci fonctionne aussi dans l’autre sens pour apporter une certaine rigidité à du Soft ou à du Standard en incorporant du Super Rigide.

Le sel et le stabilisateur de température sont les principaux additifs. Le premier augmentera la densité du leurre et retardera son « recrachage » par le poisson, le second évitera le brunissement prématuré du plastileurre en cours de cuisson.

Pour lester le leurre, on pourra ajouter au moment du coulage du sable de verre coloré.

Les ingrédients suivants ont pour rôle de stimuler la vue (colorants et paillettes), l’odorat (arômes et attractants) et l’ouïe (rattles) des poissons à leurrer.

 

 

Une gamme très riche de colorants est disponible.

Les grands classiques sont les colorants liquides faciles à doser au goutte à goutte.

Mes préférences vont aux colorants en poudre dont les tons nacrés ou irisés sont

du plus bel effet. Leur mise en œuvre est plus délicate

car il faut les ajouter prudemment « à la pointe du couteau ».

Il est important de savoir que les colorants liquides permettent à faibles

doses d’obtenir une certaine transparence du leurre, ce qui n’est pas possible avec les colorants en poudre.

 

 

Les paillettes en polyester peuvent être mélangées entre-elles.

 

Elles ajoutent un éclat particulier destiné à augmenter le repérage visuel du leurre.

Les arômes liquides (anis, crevette, calamar, …) sont là pour tracer le chemin à suivre

par le poisson et surtout pour favoriser la prise en bouche.

 

La sonorité sera obtenue en ajoutant des rattles. Ces derniers sont des chambres de

résonnance en verre contenant une ou plusieurs billes. Il en existe plusieurs tailles, c’est le

nombre et la grosseur des billes qui vont déterminer la sonorité.

 

 

3. La marche à suivre

Chaque type de leurre a sa ou ses recettes. Pour simplifier, je prendrai pour exemple la fabrication d'un leurre du genre Trick worm de ZOOM®.

Le cahier des charges est le suivant :
- le leurre doit être solide en tête pour ne pas se déchirer à la première attaque ;
- suffisamment dense pour obtenir une belle descente en weigthless ;
- sa robe est Watermelon avec paillettes noires ;
- sa longueur est de 15 cm (6 inches) ;
- son volume est de 5 cm3, son poids est de 6 g non salé et de 7 g salé à 30%.

3.1 Le choix du moule

On trouve aisément sur le net des moules en aluminium à 5 empreintes pour 30€. Exemple ci-dessous le 6" Diamond Tail worm #16450 de Del-Mart.


Pour réaliser ce tutoriel, je vais fabriquer 2 moules à 3 empreintes.

3.1.1 Construction du moule

Dans de l’isorel de 3 mm je découpe un rectangle de 230 X 100 mm. Sur la face lisse de ce rectangle je colle 3 Trick Worm sur la totalité de leur côté plat. J’obtiens ainsi le fond du moule.

J’assemble 4 tasseaux de 40 mm pour construire le pourtour du moule. Je pose le pourtour sur le fond du moule.

Je fixe le fond et le pourtour à l’aide de 2 serre-joints.

A ce stade, mon moule est prêt à recevoir n’importe quel matériau de moulage. Je vais prendre deux exemples, le plâtre résine puis le RTV.


3.1.2 coulage du plâtre résine

Quelle quantité de matière (eau + plâtre) vais-je devoir mettre en œuvre ? Je connais la surface intérieure 195x65 mm. Reste à déterminer la hauteur de la couche. La plus grande hauteur du leurre est 9 mm, je vais donc ajouter 15 mm pour obtenir un moule solide. Le volume total du moule est donc 195x65x24 soit 304 cm3. Pour connaître le volume de matière, je dois enlever le volume des 3 leurres (3x5 = 15 cm3) soit 304 – 15 = 289 cm3. Pour être tranquille, je vais en préparer 300 cm3.
Maintenant il faut déterminer la quantité d’eau et la quantité de plâtre. La dose est de 1 mesure d’eau pour 3 de plâtre.

Volume d’eau = Volume de matière / 2
Poids de plâtre = Volume d’eau x 3

La quantité d’eau sera 300/2 soit 150 cm3 et la quantité de plâtre 150x3 = 450 g. En ajoutant 0,15 litre d’eau à 0,450 kg de plâtre j’obtiendrai 0,3 litre de mélange prêt à couler.

Pour éviter les bulles d’air, je verse le mélange lentement contre une paroi du moule (jamais directement sur les leurres).
Je démoule 1 heure plus tard. Si besoin, je termine le séchage quelques instants au micro-ondes.
Quand le moule est bien sec, je passe 3 couches de vernis polyuréthane en laissant bien sécher entre les couches et en évitant les excès de liquide notamment aux extrémités des empreintes. Le vernis a deux fonctions, il facilite le démoulage et donne un aspect brillant aux leurres.


Le moule vernis.

3.1.3 coulage du RTV

Le RTV nécessite l’ajout d’un catalyseur qui va transformer le liquide visqueux de départ en une masse souple résistante. La dose de catalyseur va déterminer la vitesse de la réaction chimique. Cette dernière varie de 24 à 3 heures. Il est recommandé d’utiliser entre 2 et 5 g de catalyseur pour 100 g de RTV.

Pour déterminer la quantité de catalyseur, nous allons donc devoir calculer le poids des 300 cm3 de RTV. La densité du RTV étant de 1,2 le poids du RTV est de 360 g.
Pour aller vite, je décide d’utiliser la dose maximale soit 5%. Il me faudra donc 360 x 0,05 = 18 g de catalyseur.

Je place un pot vide sur une balance, j’ajuste la tare. J’ajoute 360 g de RTV puis 18 g de catalyseur. Je mélange bien pendant au moins deux minutes et je coule immédiatement en respectant les mêmes consignes que pour le plâtre résine. Le démoulage interviendra 3 heures après.


Le moule en RTV.

Les avantages du RTV par rapport au plâtre résine :
- la souplesse du moule facilite le démoulage des leurres ;
- le moule est incassable et indéchirable ;
- il a une fidélité d’empreinte de l’ordre du micron.

L’inconvénient du RTV : il est trois fois plus cher que le plâtre résine.

3.2 La recette

Pour ce type de leurre, les américains utilisent du plastisol Soft. Si on veut se rapprocher le plus possible de la souplesse de l’original de ZOOM®, on utilisera du plastileurre Rigide. Compte tenu du cahier des charges, j’opte pour un leurre en plastileurre Standard plus solide que le Soft et plus souple que le Rigide. Toutefois, je vais devoir saler ce leurre pour le rendre plus dense. Ce salage a un inconvénient, il rend le leurre plus dur donc je risque de perdre de la souplesse. En cas de besoin, j’aurai la possibilité d’ajouter un peu d’assouplissant.
Pour une utilisation en texas rigging ou en wacky rigging, le sel ne posera aucun problème. Par contre, pour une utilisation en drop-shot, il n’est pas recommandé.

La quantité de plastileurre à mettre en œuvre est 5x3 = 15 cm3 de plastileurre Standard. Ajoutons à cela une marge de sécurité pour tenir compte de la matière qui va se figer sur les parois du pot en cours de coulage, soit 5 cm3. Il faudra donc mettre en œuvre 20 cm3 de plastileurre pour 3 leurres. Notez au passage que ces 5 cm3 seront récupérés pour être recyclés, rien ne se perd !

Pour obtenir une bonne densité, je vais devoir ajouter du sel très fin et parfaitement sec. La quantité de sel dépendra de la vitesse de descente du leurre recherchée. Pour une descente rapide, il faut doser à 30% du volume de plastileurre soit environ 6 g. Pour une descente plus lente, 15% suffira soit 3 g.

3.3 La cuisson

Elle se fera dans un local très aéré, ou au-dessous d’une hotte aspirante (pas celle de la cuisine SVP !) ou bien si possible à l’extérieur car le chauffage du plastileurre dégage des fumées irritantes. Le port d’un masque est vivement recommandé.

Je place donc 20 cm3 de plastileurre Standard dans un pot en verre de 100 ml appelé « becher » que je dépose dans un micro-ondes. Ce dernier est réglé de façon à obtenir un liquide translucide au bout de 1 minute 15. A ce stade, sa température est de 180°C.

 


Le mélange prêt à l’emploi

 

C’est à ce moment que je sors le pot du micro-ondes pour ajouter 6 g de sel, 2 gouttes de colorant Watermelon et une pincée de paillettes noires de 0,5 mm.

Attention, le fait de compter 2 gouttes de colorant pour 20 cm3 ne signifie pas que pour 100 cm3 il en faudra 10.

Le colorant s’ajoute goutte par goutte jusqu’à obtenir le résultat visuel attendu.

Attention à certains colorants comme le noir et le blanc qui doivent être utilisés à des doses minimes. De plus, si on ajoute du sel on devra augmenter la dose de colorant car le sel est blanc. Il faut donc saler avant de colorer.

Pour éviter des tâtonnements à répétition, il est conseillé de noter sur une fiche de fabrication, le volume de plastileurre, le poids de sel et le nombre de gouttes de colorant utilisées.

Je mélange à la spatule, lentement pour éviter d’emprisonner des bulles d’air, et je remets le pot 15 secondes au micro-ondes.

Les durées dépendent de la puissance du matériel utilisé et de la qualité du verre du pot. A titre indicatif, le micro-ondes doit avoir une puissance minimale restituée de 700W.

3.4 Le coulage et le démoulage

 


Coulage

 

Je procède enfin au coulage du mélange dans les trois empreintes du moule en prenant soin de bien remplir les cavités pour tenir compte du léger retrait du plastileurre.

 

Il faut aussi veiller à ne pas provoquer un débordement qui entraînerait plus tard un ébarbage des excès de matière.

 

Pour obtenir un bon résultat, le mélange doit être très chaud. Plus il refroidira et plus on aura de difficulté à couler.

 

Attention ! Sur l’image ci-contre, je tiens le becher par le col sans protection. Ceci est possible car le verre est en Pyrex® et parce que la quantité de matière est relativement faible. Habituellement, il vaut mieux manipuler avec une pince ou un gant anti-chaleur.


Extraction des leurres

 

Le démoulage intervient 5 minutes après, ne démoulez pas trop tôt car vous risqueriez d’endommager vos leurres.

 

On écarte les bords du moule pour dégager la tête du ver puis on extrait chaque ver en tirant vers soi.

 

Les leurres sont plongés dans de l’eau froide pour accélérer leur refroidissement.

 

Les leurres non salés flottent, les salés coulent.

3.5 Le stockage

Après 30 minutes de refroidissement dans l’eau, les leurres sont déposés sur un papier absorbant puis placés dans un sachet hermétique dans lequel on pourra ajouter de l’huile de vaseline et un arôme ou un attractant.

4. L'apprentissage

Il se fait pratiquement toujours de la même façon :
- on commence par fondre des leurres dont on ne se sert plus ;
- ensuite on copie des leurres du commerce avec de petites quantités de plastileurre ;
- quand on se sent un peu plus sûr de soi, on greffe une queue de shad à un slug ;


Un hybride Slug-go/Shad.

- quand on est vraiment à l’aise, on invente des formes nouvelles. A ce stade, on a quitté le monde des copieurs pour entrer dans celui des créateurs. C’est là que la véritable aventure commence…


 

Un bel exemple de création, le Lollipop, un leurre irrésistible qui a fait et fera tourner bien des têtes…


Sa conception et sa mise au point sont le fruit de nombreuses années de recherche menées dans le plus grand secret par une équipe d’ingénieux bricoleurs.


Il ne fait pas de doute que son succès grandissant sera très bientôt à la hauteur de l’investissement dont il a été l’objet.


Une enquête Ipsauce, réalisée auprès d’un échantillon représentatif de black-bass, montre pour ce leurre une attirance particulière des femelles de plus de 5 lbs.

 

Il ne faut pas négliger de parcourir les nombreux forums spécialisés qui constituent une mine de renseignements et d’astuces. On y trouve souvent des bricoleurs géniaux, passionnés, soucieux de partager leurs trouvailles.

Une autre forme d’apprentissage et d’échange de connaissance va se mettre en place dans les prochains mois, c’est l’organisation de rencontres régionales conviviales avec pour principe « le matin on fabrique, à midi on pique-nique, l'après-midi on pêche avec les leurres fabriqués le matin ».

Reste à formaliser cette organisation. Elle pourrait s’inscrire soit dans le cadre des activités d’une association soit dans celles d’un distributeur de matériel à des dates spécifiques ou bien à l’occasion de compétitions mer ou rivière.


L’idée est à creuser…

 

5. Conclusion

J’espère avoir démontré que la fabrication de leurres souples est à la portée de tous. Elle nécessite un appareillage peu coûteux, un vieux réchaud et une vieille casserole suffisent pour débuter.


 

La création de moules à leurres possédant une face plate est relativement facile, la difficulté viendra dès qu’on abordera la fabrication de moules complexes en plusieurs parties. Nous examinerons ces techniques une prochaine fois.

Outre la passion de créer et le plaisir qu’on en retire, n’oublions pas l’intérêt financier. Pour fabriquer un ver de 15 cm il faut 5 cm3 de plastileurre. Avec un litre on en fabrique donc 200 pour un coût unitaire de 0,09€ (plastileurre + colorant + paillettes + sel) !


Chez les Vépécistes français, le prix d’un pack de 20 vers est de 7,95€ soit 0,40€ l’unité.


La comparaison est vite faite, l’économie est de 77% !

Il ne vous reste plus qu’à « emprunter » une casserole à votre cuisinière préférée en lui faisant miroiter le « fantastique » voyage (de pêche ?) que vous allez (peut être) un jour lui offrir avec tous ces euros économisés…


Jean-Louis Hayet - http://www.bricoleurre.com/ - Mars 2008