UNE PÊCHE
RAISONNEE
PUISER SANS EPUISER, un impératif
pour sauvegarder l’avenir
Les populations
de la plupart des carnassiers sont en nette régression.
Face à cette situation, et même s’il est aussi
nécessaire de développer des réponses positives
de long terme (qualité de l’eau, frayères…)
qui demanderont beaucoup de temps, il paraît indispensable
et urgent que chacun adopte un comportement responsable visant
à préserver les ressources.
Compte
tenu de la situation actuelle, conserver l’ensemble de ses
prises est désormais une attitude profondément égoïste
et irresponsable. Dans la plupart des milieux naturels publics,
les populations de carnassiers ne sont plus en mesure d’absorber
une pression de pêche aussi forte et qui s’accompagne
trop souvent d’un prélèvement systématique.
Continuer dans cette voie, c’est s’assurer de pêcher
demain dans des eaux vides de toute vie piscicole.
Nous invitons
donc tous les pêcheurs à limiter leurs prélèvements,
afin de ne pas décimer les populations présentes.
S’il est concevable de conserver un poisson de belle taille
de temps en temps, afin de le déguster frais en famille
ou entre amis, l’attitude consistant à tout garder
(parfois même en dessous de la maille) dans l’idée
de " rentabiliser " sa carte de pêche
n’est plus acceptable. Tout est affaire de modération :
" puiser sans épuiser ".
Prenons
un exemple simple : imaginons qu’au lieu de conserver
5 carnassiers, vous n’en gardiez que 2. Les 3 poissons remis
à l’eau vont pouvoir continuer à grossir et
à se reproduire. Si tous les pêcheurs pratiquent
ainsi tous les ans, ce sont des milliers de géniteurs qui
regagneront leur milieu et nous pourrons retrouver en quelques
années des populations qui nous garantiront à la
fois de nombreuses prises et des poissons de belle taille. N’est-ce
pas là avant tout le plaisir de la pêche et le rêve
de chacun d’entre nous ?
Certains
poussent cette logique jusqu’à pratiquer un " no-kill "
total en relâchant la totalité de leurs prises. Nous
approuvons cette attitude, mais elle nous semble relever d’un
choix personnel qu’il ne saurait être question d’imposer
à tous. Il nous paraît préférable de
mettre en avant un prélèvement raisonnable et raisonné.
Cela relève
de notre responsabilité individuelle et collective. C’est
dans notre comportement quotidien de pêcheur que nous pouvons
décider de notre avenir. Vous qui nous lisez, il n’appartient
qu’à vous de mettre ces principes en application
dès demain, avec la satisfaction de voir repartir des poissons
rendus à leur élément et l’assurance
tranquille d’un comportement responsable.
LES
QUOTAS DE PRISES et la préservation des cheptels
Dans la logique de ce qui précède, chacun peut et
doit se fixer des quotas personnels, adaptés aux poissons
recherchés et au milieu pratiqué.
Si le milieu
est riche et favorable à une bonne reproduction naturelle
et à un fort grossissement des poissons présents,
et si les carnassiers y sont nombreux, le quota pourra être
plus élevé. En revanche, dans les eaux pauvres et
où les carnassiers sont rares, l’essentiel des prises
devront être remises à l’eau, un quota d’un
poisson par pêcheur étant alors souvent un maximum.
Et s’obliger, au moins temporairement, à relâcher
toutes ses prises sera parfois nécessaire pour sauvegarder
les faibles populations présentes.
Attention
aux effets trompeurs des ré-empoissonnements. Ceux-ci sont
toujours aléatoires et très coûteux. Il nous
semble que la pêche devrait être interdite pendant
un laps de temps suffisant après l’empoissonnement
et sur la zone concernée, afin de permettre aux nouveaux
venus de s’acclimater au milieu et de se répartir
sur une aire géographique suffisante. La pêche acharnée
des zones de lâchers de truites de bassines dans les 3 semaines
qui suivent, pour ensuite retrouver une rivière morte le
reste de la saison est un gaspillage de l’argent des AAPPMA,
donc de celui des pêcheurs. Par ailleurs, si votre AAPPMA
a procédé à un alevinage, c’est (normalement)
que la faiblesse des populations autochtones de carnassiers le
nécessite. L’afflux soudain et artificiel de poissons
ne doit pas vous faire oublier cette faiblesse du milieu, qui
nécessite d’autant plus une limitation des prélèvements.
On ne peut pas à la fois se plaindre qu’il n’y
a plus de poissons, du prix des cartes de pêche, et dans
le même temps piller les tentatives de ré-empoissonnements !
Les prises
de conscience personnelles étant nécessaires mais
pas suffisantes, nous prônons une véritable réflexion
avec les instances concernées sur l’instauration
de quotas au niveau régional ou national, basée
sur les études scientifiques nécessaires et prenant
en compte les recommandations des acteurs de terrain.
Le quota
envisagé prochainement dans la réglementation, et
qui serait de 6 carnassiers (brochets ou sandres) par pêcheur
et par jour, nous semble une mesure très notoirement insuffisante.
Qui dépasse régulièrement ce résultat ?
Et quelles eaux sont capables de supporter une telle pression
de prélèvement ?
LA QUESTION DES MAILLES, son intérêt
et ses limites
En France, certains poissons font l’objet de mesures spécifiques
de protection, comportant notamment une taille minimale de capture,
en dessous de laquelle le poisson doit être obligatoirement
relâché, et appelée " maille ".
C’est notamment le cas du brochet, du sandre et du black
bass. Les perches font parfois l’objet d’une protection
de ce genre sur certains plans d’eau.
La logique
française de la taille minimale consiste à permettre
à chacun des poissons de ces espèces de se reproduire
au moins une fois avant d’être pris, ce qui est supposé
garantir la pérennité des cheptels.
Pour le
moins, force est de constater que cette mesure n’est actuellement
plus suffisante.
Nous ne
nous permettrons pas, ici et à ce stade, de préconiser
des tailles spécifiques à chaque espèce.
Celles-ci doivent faire l’objet d’une concertation
à nouveau appuyée sur des études scientifiques.
D’autant qu’à la logique française vient
s’opposer d’autres logiques, comme celle appliquée
en Irlande, qui vise au contraire à protéger les
meilleurs reproducteurs adultes.
Quoiqu’il
en soit, chacun peut ici aussi se fixer une maille personnelle
supérieure à celle imposée par la réglementation.
En effet, qu’y a-t-il à manger sur un brocheton de
50 cm ou un sandre de 40 cm ? A ces tailles, il s’agit
à peine de jeunes adultes, tout juste aptes à se
reproduire. Et chacun sait que les premières reproductions
ne sont pas de bonne qualité et que la quantité
d’œufs produits est directement liée au poids
du géniteur. Relâcher un poisson " juste
à la maille ", c’est donc aussi lui permettre
de continuer à grossir et de se reproduire plusieurs fois.
Insistons
sur un point pour être bien compris de tous : ces mesures
portant sur les quotas ou les mailles n’ont jamais empêché
les pêcheurs de pratiquer leur passion. Il est toujours
possible de piquer et de combattre des poissons plus nombreux
ou de tailles non réglementaires. Il s’agit simplement,
une fois ces poissons pris, de les remettre à l’eau
avec les précautions nécessaires, puis… de
continuer à pêcher.
LES
FRAYERES, indispensables à la reproduction
Chaque espèce de carnassier a son propre mode de reproduction.
La femelle brochet pond ses œufs sur des herbiers dans des
zones peu profondes, la perche plutôt sur des branchages,
le sandre et le black bass construisent des nids sur des fonds
propres ou caillouteux.
Les pollutions,
les rivières canalisées, l’assèchement
des zones humides, conduisent de plus en plus à la raréfaction
des frayères naturelles qui permettaient de bonnes reproductions
des carnassiers de nos eaux. Le brochet, en particulier, est fortement
touché car il ne se reproduit bien que dans des eaux peu
profondes et herbeuses : bras morts, prairies inondées,
marécages, des zones qui ont particulièrement souffert
de l’activité de l’homme.
Toute protection
des espèces piscicoles ne peut se concevoir qu’associée
à des créations, aménagements ou réhabilitations
de frayères, afin d’offrir aux carnassiers présents
les meilleures conditions pour se reproduire.
Tout alevinage
fait sans action sur les zones de frai et sans limitations des
prélèvements est voué à l’échec
et ne consiste qu’à gaspiller l’argent des
pêcheurs pour satisfaire quelques viandards qui remplissent
leurs congélateurs en quelques sorties.
En revanche,
un ensemble cohérent de mesures, constitué d’aménagements
de secteurs propices à une reproduction naturelle, puis
de ré-empoissonnement massif réparti sur quelques
années et assorti d’un quota de prises et d’une
maille adaptés, permettraient d’espérer inverser
la tendance et retrouver durablement des eaux poissonneuses, pour
le plaisir de tous.